AMF "La ruralité nécessite plus que jamais une attention particulière"
Retrouvez ci-dessous l'intervieuw de Karine Gloanec Maurin auprès de l'AMF.
Référence : BW42159
Date : 22 Mars 2024
Auteur : AMF
" Nouveau zonage France ruralités revitalisation, fermetures de classes ou activités culturelles en milieu rural. Karine Gloanec Maurin, co-présidente de la commission des communes et territoires ruraux de l’AMF, plaide pour ne pas créer de nouvelles iniquités territoriales. La présidente de la Communauté de communes des Collines du Perche (CCCP, Loir-et-Cher, 12 communes pour 6500 habitants), et première adjointe au maire de Couëtron-au-Perche, demande une attention particulière sur la ruralité. Cette ancienne inspectrice générale des affaires culturelles au ministère de la Culture, et experte en la matière, estime que « vivre à la campagne ne veut pas dire de faire de la sousculture».
Le nouveau zonage France ruralités revitalisation (FRR)* va faire sortir des communes anciennement classées ZRR. Quelle réponse faut-il apporter ?
L’AMF estime que près de 2000 communes classées jusqu’à présent ZRR pourraient sortir du nouveau dispositif à partir du 1er juillet prochain. Nous
demandons un moratoire pour celles classées rattrapables qui le demandent, comme cela été décidé dans plusieurs départements dont la Saône-et-Loire.
Sur ce sujet, il y a toujours eu une forte mobilisation de l’AMF pour le maintien des zonages et l’amélioration de la qualification. Nous avons notamment
obtenu que ne soit pas retenue la première mouture de la révision du dispositif ZRR qui excluait les toutes petites communes des intercommunalités
XXL qui répondaient pourtant aux critères FRR.
Sur le nouveau zonage FRR, il y a un système de rattrapage à la main des préfets comme dans mon département où le préfet affirme vouloir tenter de
rattraper toutes les communes sorties du dispositif. Il faut vraiment éviter de créer des iniquités territoriales. A minima, des adaptations doivent permettre
aux entreprises ou aux médecins installés depuis peu de ne pas perdre le bénéfice des mesures d’accompagnement.
L’AMF est en première ligne depuis le début en constatant notamment que le critère intercommunal n’était pas forcément le plus judicieux. Il faut éviter de
trop grands décalages entre communes sinon les maires se découragent et les extrêmes en profitent pour se présenter comme une solution. La ruralité
nécessite plus que jamais une attention particulière.
La nouvelle carte scolaire s’annonce avec de nombreuses fermetures de classes. Comment réagissez-vous ?
L’éducation est affichée par le gouvernement comme une priorité mais il continue de baisser les effectifs d’enseignants. Une situation souvent désespérante pour les élus comme les enseignants. Il n’est plus possible d’avoir pour seul critère le nombre d’élèves par classe. Lors d’une réunion récente à l’AMF avec des associations départementales de maires, il a été demandé que l’Etat cesse de fonctionner uniquement avec une calculette. Il doit prendre en compte la spécificité des territoires ruraux, avec notamment de nombreuses familles en difficulté. Il n’est pas acceptable d’uniformiser et de nous mettre au même niveau que les grandes villes.
Même si la démographie scolaire baisse, il faut mettre moins d’élèves devant un enseignant car ils en ont particulièrement besoin aujourd’hui. Nous
devrions pouvoir raisonner sur la base de projets de territoire s'appuyant sur une énergie collective avec des élus qui s’engagent et prennent des risques.
C’est mon cas avec le projet de construire un groupe scolaire. Je regrette que les conventions de ruralité s’arrêtent car elles permettaient une visibilité sur
trois ans de la carte scolaire avec des effets plutôt positifs et la possibilité d’écrire un projet d’école. Ma convention prend fin à la rentrée prochaine et la
Dasen [directrice académique de l’Éducation nationale] propose déjà une fermeture de classe ! Les territoires ruraux ont la maturité d’adapter leurs
projets d’écoles aux évolutions de la société.
Quelle est la situation dans votre communauté de communes ?
Ayant pris la compétence éducation, nous avons un projet de création d’un groupe scolaire, a priori pas avant 2027. Nous sommes aussi identifié Territoire
éducatif rural . Il comprendra 230 élèves avec en parallèle le maintien de deux autres écoles sur notre territoire regroupant 130 élèves. Pour ce nouvel
équipement, nous sommes encore à la recherche de financements.
Que pensez-vous du « Printemps de la ruralité », lancé en début d’année pour désenclaver l’offre culturelle ?
Si j’ai trouvé formidable que le premier acte politique de la nouvelle ministre de la Culture soit de mettre l’accent sur la culture en milieu rural, je reste
prudente. Les politiques culturelles y ont autant d'importance qu’ailleurs et cette initiative honore d’abord ceux qui les mettent en place : les élus, les
artistes et les acteurs culturels. On peut juste regretter qu’il n’y ait pas un euro supplémentaire pour développer les actions avec un accompagnement en
ingénierie comme en financement . Quoi qu’il en soit, ces annonces font écho aux attentes des acteurs culturels ruraux qui ont toujours l’impression d’être
le parent pauvre par rapport aux grandes institutions culturelles. Ils se sentent assimilés au folklore et à l’amateurisme, alors qu’il existe plein d’initiatives
culturelles de qualité dans nos territoires. Mais il faut y croire et être tenace ! Vivre à la campagne ne veut pas dire de faire de la sous-culture.
Depuis des années, le ministère de la Culture se concentre trop sur l’aide aux grandes institutions parisiennes comme sur l’accompagnement et la
professionnalisation des artistes, mais pas assez sur l’accès de tous à la culture pourtant réaffirmé dans la loi avec les droits culturels . Cela doit
pourtant faire partie de ses missions premières. Ce message doit être entendu par Rachida Dati avec des effets dans les territoires pour encourager
les élus. Cela aidera notre société à retrouver de la cohésion.
Que propose votre intercommunalité ?
Nous avons une médiathèque très investie en faveur du développement de la lecture publique, en particulier auprès des écoles. Chaque année, le « salon
des bonimenteurs » est le fruit de nombreux ateliers d’échanges avec des auteurs ou illustrateurs. C’est le salon du livre des enfants qui défendent leurs
coups de coeur. IL est porté par la médiathèque et l’Échalier. Ayant un statut associatif, notre école de musique propose des cours de musique et de
chants par des professeurs diplômés. Mais elle ne dispose d’aucune aide ni de l’État ni des collectivités supras pour son fonctionnement. La Communauté
de communes y consacre un budget de 40 000 euros par an, ce qui est beaucoup pour nous. Malheureusement, elle est dans l’obligation refuser
beaucoup de demandes. Mon prochain combat au niveau national est de défendre les petites écoles de musique devant être accompagnées par l’Etat
au même titre que les conservatoires de région. C’est un des premiers accès à la culture avec la lecture.
Le patrimoine n’est pas oublié avec le site emblématique de la commanderie templière d’Arville qui accueille 23 000 visiteurs par an. Gérée par une
association, elle est subventionnée par l’intercommunalité. Ce patrimoine est associé à un grand gîte d’une centaine de lits accueillant de nombreuses
classes de découverte, avec des aides de la Drac. Il va pouvoir être restauré grâce à des subventions du département et de la région (1,2 million d’euros)
et j'espère que les 600 000 euros restants pourront bénéficier d’aides de l’État et de l’Europe (fonds Feder). Je vais me battre pour cela.
Vous disposez également d’une agence de développement culturel. Quelles sont ses missions ?
Créée il y a près de 25 ans, l’Échalier, notre agence de développement culturel, a une exigence de qualité et constitue pour nous une vraie fierté. Nous avons réussi à trouver les financements pour qu’elle soit dotée d’un administrateur, en poste depuis plus de vingt ans et d’un technicien . Sous statut associatif, elle s’est développée au fil des années avec parmi ses missions importantes l'accueil de résidences d’artistes dotées, dans toutes les disciplines (danse, musique, théâtre, marionnettes). L’agence est ainsi labellisée « Atelier de fabrique artistique » par le ministère de la Culture. Elle est financée par la signature d’une convention entre la commune nouvelle de Couëtron-au-Perche, CCCP, le département, la région et le ministère. Au-delà de l’activité
de programmation dans un vrai théâtre rural, l’Échalier accompagne l’action culturelle sur notre territoire, en partenariat avec le service de la lecture
publique, le centre national de la Marionnette de Vendôme ou les écoles, au travers de toutes sortes d’animations et d’événements.
Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry
*Le nouveau dispositif France ruralités revitalisation (FRR) regroupe les
anciennes zones de revitalisation rurale (ZRR), les bassins d’emploi à
redynamiser (BER) et les zones de revitalisation des commerces en milieu
rural (Zorcomir). Issu de la loi de finances pour 2024, il sera applicable à
compter du 1er juillet 2024 "